
ESPECES EXOTIQUES
ENVAHISSANTES
dans les Pyrénées-Orientales
LA TORTUE
DE FLORIDE
La Tortue de Floride (nom scientifique Trachemys scripta elegans) est reconnaissable à sa grande bande rouge partant de l’œil et allant jusqu’à la partie supérieure du tympan et à ses lignes jaunes longitudinales au niveau de la tête. Sa carapace est plutôt large et plate.
Origine et introduction dans les Pyrénées-Orientales
Aussi appelée Trachémyde à tempes rouges, la tortue de Floride est originaire d'Amérique du Nord. Son aire de répartition d'origine s'étend sur tout le bassin versant du Mississippi.

Après la seconde guerre mondiale, le commerce de cette tortue pour la terrariophilie s'est rapidement développé. De nombreux élevages spécialisés se sont formés, produisant 13 millions de tortues par an, pour un total de 150 entreprises environ. Leur commerce représentait des dizaines de millions d'euros et se tenait plutôt sur le sol américain et canadien. Un des premiers problèmes émergeant fut de nombreux cas de salmonellose recensés chez les enfants qui possédaient notamment la tortue comme animal domestique. 10 ans après, en 1975 un texte de loi initié par l’Agence des Produits Alimentaires et Médicamenteux des États Unis interdisait la vente de tortues d'eau douce d'une taille inférieure à 12cm : c’est la convention de Washington, signée par la France en 1978. Cela a causé la fermeture de nombreuses entreprises, celles restantes se tournant vers d'autres pays : l'export se fait de plus en plus important. En France, environ 400 000 tortues étaient importées par an, sous l’appellation de « Tortues naines ». Une première interdiction en 1992, ainsi qu'une définitive en 1997 ont suffi à stopper cet import. En comparaison, environ 50 entreprises en 2006 produisent 6 millions de tortues de Floride par an.
Cependant, malgré un arrêté du Ministère de l'Environnement en 1996 interdisant de relâcher ces tortues dans le milieu naturel, de nombreux terrariophiles vont se débarrasser de leur tortue de Floride. En effet elle peut vivre jusqu'à 50 ans et sa carapace peut mesurer plus de 25cm selon les individus. Prenant une taille qui peut être trop importante pour certains éleveurs amateurs, et cela associé à son agressivité relative et aux pollutions qu'elle occasionne, il devient difficile de gérer la captivité d'une tortue de Floride.
Écologie et répartition
La tortue de Floride s'acclimate facilement aux mares, bassins de villes, étangs, lagunes et lacs. Son expansion en France est néanmoins limitée par le climat qui ne peut pas toujours permettre l'incubation des œufs. Un faible nombre de mâles et le manque de milieux favorables à la reproduction peuvent être aussi des facteurs limitants à l'expansion.
Elle est très présente dans la région Languedoc-Roussillon et dans le département des Pyrénées-Orientales, qui possèdent de nombreux plans d'eaux très propices. La Société Herpétologique de France a même intégré l'espèce dans son Atlas national de répartition des Amphibiens et des Reptiles de France.
L'impact de la Tortue de Floride sur les écosystèmes est très fort, destructeur. La flore et la faune, surtout les amphibiens, sont souvent menacés, notamment à cause de la fragilisation de leurs habitats. Cet impact est d'autant plus fort que le milieu de vie se situe en zone péri-urbaine.

Impact et solutions de gestion
Dans les Pyrénées-Orientales, les problèmes liés à la présence de la Tortue de Floride concernent plutôt la coexistence avec les espèces locales. En effet, sont présentes dans le département la Cistude d'Europe (Emys orbicularis) et l'Émyde lépreuse (Mauremys leprosa). La première est présente dans quasiment toute la moitié sud de la France, et en majorité à l'étang de Leucate. La seconde est autochtone, on retrouve la plupart des individus au niveau du bassin versant de la Baillaury et de la vallée du Tech. Les 2 espèces sont protégées en France. Tandis que la Cistude d'Europe et l'Émyde lépreuse ne semblent pas être trop en compétition car elles fréquentent différents types de cours d'eau, la Tortue de Floride interagit fortement avec ces deux dernières.

En effet elle est très compétitrice. Elle est strictement carnivore au début de sa vie mais devient omnivore avec l'âge. Elle se nourrit de poissons, d'amphibiens, de crustacés, mais peuvent si les proies viennent à manquer, se nourrir de divers végétaux aquatiques (jusqu'à 60% pour les plus grands individus) et même de charognes. C’est une espèce très opportuniste, qui sait s’adapter selon les circonstances du moment.
Beaucoup de facteurs influencent la compétition entre la Tortue de Floride et les espèces locales. La longueur de la carapace de la Tortue de Floride est en moyenne plus grande, chez les mâles comme chez les femelles. La tortue de Floride peut se reproduire plus tôt : 2 à 5 ans contre 6 à 16 ans pour la Cistude. Ses oeufs sont plus gros et les jeunes plus lourds. De plus, les tortues de Floride sont capables de cohabiter entre elles avec plus de 100 individus par hectare, alors que la densité des Cistudes est environ de 15 individus par hectare. Les records sont d'une densité de 1000 cistudes et 3000 tortues de Floride par hectare. Ces fortes densités associées à son agressivité relative font que la Tortue de Floride va influencer négativement la survie et la reproduction des Cistudes et Émydes, notamment en monopolisant les zones ensoleillées. Les tortues étant des animaux dits « à sang froid » (leur température corporelle varie avec celle de leur milieu), ces solariums sont très importants pour leur survie. De plus, la Tortue de Floride transmet de nombreux parasites et maladies aux deux autres espèces.

D'autres facteurs autres que la présence de la tortue de Floride menacent les tortues aquatiques des Pyrénées-Orientales. En effet, la pollution, la forte utilisation des milieux par l'homme et la destruction des habitats sont responsables d'un déclin des populations de tortues d'eau douce. Les tortues de Floride sont plus résistantes à ces perturbations, car elles sont omnivores et plus robustes. Le déclin des Cistudes et Émydes n'est peut-être qu’accélérée. Les mesures prises pour limiter le nombre de Tortues de Floride ne vont pas suffire pour protéger les espèces locales.
Très peu d'espèces exotiques parviennent à coloniser un nouvel environnement. Si l'on ne prend pas en compte l'activité humaine, il est possible que le changement climatique limite l'expansion des Tortues de Floride, les Pyrénées-Orientales offrant des conditions climatiques et des ressources alimentaires relativement différentes du milieu d'origine. Mais si l'activité humaine continue d'alimenter en tortues de Floride les milieux naturels déjà habités par les espèces locales, la Tortue de Floride risque de non seulement se maintenir, mais aussi s'étendre. Malgré une réglementation stricte en France, les Pyrénées-Orientales connaissent quelques problèmes dus à leur proximité avec l'Espagne, pays où le marché noir est encore très présent. Il s'agirait donc de renforcer la réglementation et le contrôle des flux commerciaux.
Une des solutions envisageable est la sensibilisation du public. Au niveau national, le programme « Tortues de Floride » a été lancé, employant des nombreux outils de communication et pédagogiques. Au niveau départemental, la Vallée des Tortues à Sorède, qui a pour objectif principal la préservation des espèces endémiques des Pyrénées-Orientales, accueille le grand public, les scolaires, les comités d'entreprises... Des visites guidées sont proposées, à la fois scientifiques et culturelles. Le centre récupère également les Tortues de Floride trouvées dans la nature ou données par leurs propriétaires.
Pour conserver la Cistude d’Europe et l’Émyde lépreuse dans les Pyrénées-Orientales, plus d’études et d’actions scientifiques sont nécessaires. En revanche pour la Tortue de Floride, des actions de sensibilisations semblent être plus adaptées et efficaces.